Dans le cadre du mois de la francophonie en mars 2021, nous avons demandé au gens du public de nous écrire un texte décrivant leur sentiment dû à l’impossibilité de voyager durant la dernière année. Ce fût l’occasion de convier le public à un concours.
Voici quelques textes reçus. Nous débutons par le texte de la gagnante du concours. Bravo!
Texte de Audrey Dufour
Montréal
Mes rêves fantastiques
Dans ma chambre microscopique, je mange un plat asiatique dans un état léthargique.
Je rêve de paysages nordiques, de montagnes à pic, de fouilles archéologiques, de gens sympathiques et de restaurants gastronomiques.
Dans mes songes comiques et quelque peu atypiques, je me promène en Martinique à dos de bique entourée de moustiques cacophoniques et je roule dans le trafic de l’Amérique à l’Afrique pour voir les jeux Olympiques au cœur du Mozambique.
Puis, je fais un pique-nique quelque part en Belgique avant de me rendre en Antarctique où des phoques mélodramatiques me chantent avec raison le réchauffement climatique.
Mais dans notre univers apocalyptique, quand pourrais-je voir un monde utopique où les lieux dignes de critiques dithyrambiques seraient davantage qu’une histoire hyperbolique ?
Je ne souhaite pas être cynique, mais de façon cyclique, entre deux périodes de classement alphabétique de fiches académiques, je me demande quand finira cette période aseptique.
Mais ne finissons pas cette chronique, ou plutôt cette réflexion anecdotique et un peu poétique, sur un ton tragique.
Nous sortirons du liquide amniotique et nous aurons notre fin magique.
En attendant, j’ai mal à mon âme de beatnik, mais lunatique, je peux encore m’échapper de façon cosmique.
Et dans mes pensées astronomiques et fantasmagoriques, je serai Spoutnik en mode automatique mangeant de la banique au vinaigre balsamique.
Texte de Anick Thibodeau
Québec
L’année 2020-2021 aura été une année particulièrement riche en émotion, en stress, en crainte et surtout elle nous aura appris à être conciliant avec certaines situations. Cette année a été difficile sur bien des points, étant une famille, qui adore voyager autant dans notre beau Québec qu’à l’extérieur, nous avons dû mettre une croix sur nos beaux projets. Nous avons tout de même encouragé nos hébergements malgré toutes les restrictions en vigueur, fermeture de piscine, repas à la chambre et toutes les mesures sanitaires en place. Malgré tout ça nous passons toujours des bons moments dans vos installations. Nous savons que vous avez travaillé très fort, avec les revirements de situations, et le tout pour la satisfaction de vos clients. Merci. Nous gardons espoirs que les mois à venir seront plus doux pour notre beau Québec. Nous allons pouvoir encourager nos hébergements et nos restaurateurs locaux. Un weekend en famille serait très apprécié, étant paramédic, nous avons très peu profité de temps de qualité depuis mars. Je n’aurais jamais cru vivre une pandémie mondiale au cours de ma carrière. Nous avons très hâte de pouvoir voyager et de pouvoir séjourner à notre guise dans votre hôtel.
Texte de Caroline Simoneau (et ma petite maman Francine)
Montréal
Depuis un an déjà, les voyages sont suspendus. Impossible de planifier nos rêves d’évasion; nous sommes confinés à imaginer nos plus beaux voyages.
Je partage la tristesse de ma petite maman, âgée de bientôt 80 ans, dans l’attente de pouvoir visiter à nouveau deux de ses enfants de l’autre côté de l’océan. Elle patiente, remplie d’espoir de pouvoir, encore une fois, s’envoler vers ses amours et d’étreindre longuement ses petites-filles dans ses bras. Parce que le temps file et qu’à son âge, ce temps risque plus gravement de s’arrêter. Maman le sait trop bien. Moi aussi.
Maintenant seule, nouvellement veuve, la dernière année fut pour elle une difficile épreuve. Je suis témoin de sa force, de sa volonté et de sa résilience. Elle prend grand soin d’elle et de son logis, en attendant. Elle compte sur moi pour l’aider à traverser l’océan dès que la chose sera possible en toute sécurité. Ce que nous avons hâte!
L’an dernier, au tout début du grand confinement, nous avions prévu une escapade mère-fille à Québec. Nous avions évidemment dû annuler. Un an plus tard, Québec nous attend toujours. Je nous imagine au Château Laurier…
Texte de Cathy Bérubé
Saint-Jean-sur-Richelieu
Voyager est un privilège. J’ai longtemps cru qu’il s’agissait de quelque chose d’acquis. Depuis le confinement, j’ai dû retravailler sur moi-même : sur mes valeurs.
Depuis la dernière année, je vis une forme de déstabilisation face à l’impossibilité de voyager. C’est comme si la vie s’est arrêtée. J’ai réalisé que partir à l’aventure, me procurait une vie en parallèle qui avait un début et une fin. Je voyageais à mon meilleur ; l’anxiété m’était neutralisée, j’étais ouverte aux nouveautés, pas besoin de performer… Bref, quand je revenais d’un périple, j’étais une version améliorée de moi-même.
Et puis cette pandémie est arrivée. Je me suis sentie vulnérable et déprimée. Pour tenir en attendant de pouvoir repartir à l’aventure, j’ai décidé de continuer de m’informer sur différents lieux encore inexplorés, je monte mes futurs projets d’escapade et je fais entrer les voyages vécus dans ma maison. Je décore en fonction des endroits explorés grâce aux photos et aux souvenirs collectionnés. Cela me permet de continuer de rêver, de vivre à travers ceux-ci. Aujourd’hui, je suis fière d’être resté zen durant cette période de crise. Je reprends le temps de retourner à la base et aux choses importantes, tout en restant dans mon salon.
Voyager m’a fait prendre conscience que le monde dans lequel nous vivons n’est pas éternel. Prenons-en soin.
Texte de Stéphanie Delagrave
Saint-Basile-le-Grand
Le temps s’est arrêté. Notre quotidien a été chamboulé. La terre a été secouée. Tout allait changer… Et si l’on pouvait encore voyager?
J’aurais envie de voir le monde. De sentir de nouveaux parfums, de goûter de nouvelles saveurs et de voir de nouvelles couleurs. De voir briller les étoiles dans les yeux de mes enfants à découvrir d’autres horizons et de nouveaux sons.
Dans la dernière année, la terre s’est recentrée. Au lieu de s’envoler pour décrocher, on a dû s’accrocher et s’enraciner.
J’ai hâte de ressentir le bas de mon ventre vibrer au son des moteurs de l’avion ou mes pupilles se dilater en voyant les couleurs des paysages du monde.
Cette dernière année a été la destination la plus intense de mon carnet de voyage. J’ai donné la vie une seconde fois dans un confort chamboulé et j’ai visité le plus beau pays qui soit… La Famille. Une aventure unique, mémorable et touchante. Des péripéties tantôt fantastiques, tantôt catastrophiques. Mais au final, notre album de voyage vient de se remplir de photos symboliques.
Vivement le retour du dépaysement et de la liberté de voyager en douceur… en famille.
Texte de Raphaël Boilard
Lévis
Évasion labyrinthique
Avions, autobus et trains
Sont immobilisés
Au grand désarroi
Des valeureux voyageurs
Fini le temps
Où les territoires
Se faisaient parcourir
D’Est en Ouest
Hôtels, musées et restaurants
Pleurent le vide
Naissant
Entre leurs murs
Voyager à l’intérieur
De soi-même
Solution idéale
Pour garder le moral
Espoir, entraide et solidarité
Aux moins nantis
Aux plus touchés
Voyages pour l’humanité
S’adapter
Tous ont dû le faire
Pour lever les yeux
Vers un avenir plus heureux
Où la liberté
Sera sur toutes les lèvres
Où l’aventure
Sera sans limites
Texte de Chantal Piché
Montréal
L’impossibilité de voyager m’a amenée à réinventer ma façon d’assouvir mon goût de l’aventure … et je n’ai pas été déçue, bien au contraire. Depuis un an, je fais un road-trip environ toutes les semaines. Et j’ai découvert, à ma plus grande honte, que je ne connaissais que très peu ma belle province. J’ai commencé par ma ville, des quartiers où je n’avais jamais mis les pieds. Ensuite, dans le confort et la sécurité de ma voiture, j’ai exploré des endroits relativement près de chez moi, majoritairement à moins de 100 km. J’ai découvert des trésors cachés, de petits villages pittoresques, des sentiers de marches, des lieux d’une beauté inouïe, des paysages à couper le souffle et j’ai réalisé que je n’ai pas besoin de faire plusieurs heures de route ou d’avion pour être dépaysée. Je n’ai jamais pris autant de photos de voyage et je ne regrette pas l’absence de palmiers sur celles-ci. Je suis maintenant une touriste … locale et je compte bien conserver ces petits plaisirs bien après la fin de la pandémie.