Chambres
Ne pas perdre les étoiles de vue
Il arrive parfois qu’on rejette en bloc quelque chose sans tenir compte de ses aspects positifs. C’est précisément ce qui caractérise, à mon point de vue, la décision d’abolir la classification hôtelière prévue dans la Loi sur l’hébergement touristique (Loi 100), adoptée par le Gouvernement du Québec au mois d’octobre 2021. En vertu de ce système de classification, les établissements d’hébergement se voyaient attribuer un nombre d’étoiles (soleils pour les gîtes) de 1 à 5, sur la base de critères normalisés et objectifs qui permettent d’établir la qualité des établissements d’hébergement et des services qu’ils offrent.
Si l’on exclut le milieu de l’hébergement touristique, l’adoption de cette loi est passée sous le radar des consommateurs. Avec le retour à la normale anticipé, de plus en plus de Québécois et d’étrangers commenceront, au cours des prochaines semaines, à planifier un voyage. Dans leur recherche d’établissements d’hébergement, ils voudront vérifier leur réputation afin de se mettre à l’abri de mauvaises surprises une fois rendus à destination. Pour ce faire, deux principales sources d’information pouvaient jusqu’à maintenant les guider. La première, les commentaires laissés par les utilisateurs sur différents sites et plateformes en ligne. La seconde, le nombre d’étoiles détenues par chaque établissement. Avec l’adoption de la nouvelle loi, s’ils choisissent le Québec comme destination, ils ne pourront donc plus à terme se référer à cette seconde source pour faire leur choix.
Ceux qui se portent à la défense de cette décision affirment que le système actuel est désuet et lourd et que, de toute façon, les commentaires laissés sur internet constituent dorénavant la véritable source sur laquelle se basent les voyageurs. Qu’en est-il exactement ?
Certes, une mise à jour des critères de classification est sûrement nécessaire afin de correspondre davantage aux nouvelles tendances en matière de design et de services offerts. À titre d’exemple, des chambres d’hôtel qui offraient des murs ou des surfaces en béton visibles, ou encore, un établissement sans réception traditionnelle perdaient des points dans le système de classification en vigueur jusqu’à maintenant.
Quant à l’affirmation selon laquelle les commentaires des consommateurs sont nettement plus déterminants que le nombre d’étoiles affichées, elle mérite définitivement d’être nuancée. En effet, un sondage réalisé à l’été 2021 par la firme de recherche Léger Marketing démontre clairement que la classification par étoiles est toujours pertinente aux yeux des consommateurs. En effet, le sondage démontre que :
- 62 % des Québécois connaissent le système de classification basé sur les étoiles.
- 67 % des répondants pensent que plus un établissement a d’étoiles, plus la qualité des lieux et des services est élevée.
- Lorsque vient le temps de faire une réservation, 83 % des Québécois qui connaissent le système de classification, considèrent que le nombre d’étoiles détenues est un critère important.
- Parmi les critères utilisés lors d’une réservation, les commentaires en ligne sont les plus importants pour 72 % des voyageurs alors que le nombre d’étoiles l’est pour 41 % de ces derniers.
Les données de ce sondage me permettent donc d’affirmer que les commentaires en ligne tout comme la classification par étoiles constituent des sources d’information pertinentes. Malheureusement, le Gouvernement et son Ministère du Tourisme ont décidé d’abandonner la classification par étoiles. C’est quand même étonnant si on considère que les sites de commentaires comme Tripadvisor ou les principales plateformes de réservation en ligne comme Expedia et Booking continuent d’utiliser le nombre d’étoiles comme critère ou filtre de recherche comme en font foi les captures d’écran ci-dessous.
Je trouve pour le moins étonnant que le gouvernement décide de mettre fin au système d’étoiles, enlevant ainsi aux consommateurs la possibilité de faire un choix éclairé en se basant sur une évaluation réalisée par des experts en fonction de critères définis, de faits et d’informations vérifiées; et d’offrir par le fait même aux consommateurs une seule avenue possible pour faire un choix éclairé, soit de se fier uniquement à des commentaires laissés sur des sites développés et gérés par des méga entreprises étrangères. D’autant plus que la véracité et la valeur de certains commentaires doivent être considérées avec une certaine réserve.
D’une part, ces commentaires, malgré leur valeur, demeurent tout de même très subjectifs. Mario Girard de La Presse le signalait d’ailleurs avec une certaine ironie dans l’extrait suivant :
« Quand viendra le temps de choisir un hôtel, on fera davantage confiance au commentaire de Mme Bouchard sur les oreillers moelleux d’une auberge de Charlevoix qu’aux étoiles qui étaient accordées selon des critères précis et des exigences élevées. »
D’autre part, en consultant les critiques on peut être exposé à de faux commentaires. En effet, il est, à toutes fins pratiques, impossible de savoir si celui qui a rédigé l’évaluation a vraiment séjourné dans l’établissement. Comme hôtelier, nous ne sommes pas à l’abri de commentaires négatifs qui pourraient être laissés par la concurrence. À l’inverse, le consommateur ne peut être sûr que le commentaire provient vraiment d’un voyageur ayant séjourné dans l’établissement ou tout simplement, d’un client fictif créé par l’hôtelier pour mousser son établissement.
Soyons clair, je n’ai nullement l’intention de discréditer la valeur des commentaires d’utilisateurs lorsque vient le temps de choisir un établissement d’hébergement touristique. Au contraire, ceux-ci permettent, tout comme le système de classification par étoiles, de faire un choix éclairé qui nous permettra de vivre une expérience de qualité. Il est dommage qu’on ait décidé au Québec de mettre tous nos œufs dans le même panier.
Parmi les arguments mis de l’avant par le Ministère du Tourisme pour justifier l’abandon de la classification hôtelière, on avance une réduction des formalités administratives et des économies de 3 millions de dollars, en temps et en argent, pour l’ensemble des établissements d’hébergement. Je pense sincèrement qu’il est possible de mettre en place un système de classification plus agile et moins lourd. Quant à l’économie, le chiffre avancé peut paraître gros, mais une fois ramené au niveau de chaque établissement, la dépense n’est pas si importante et, selon moi, les avantages dépassent largement les inconvénients qu’on peut attribuer à la classification hôtelière.
En terminant, je me permets de citer Ève Paré, ex-directrice de l’Association des Hôtels du Grand Montréal :
« Pourquoi ne parviendrions-nous pas à moderniser la classification pour en faire un système moderne, pertinent et un véritable gage de qualité qui incite les Québécois à réserver en toute confiance directement à l’hôtel? Je suis persuadée que ce souhait pourrait facilement devenir réalité. »
Malheureusement son souhait n’a pas été exaucé et le Gouvernement du Québec a préféré jeter le bébé avec l’eau du bain. Quant à nous, nous continuons d’être fiers des quatre étoiles accordées à l’Hôtel Château Laurier Québec et nous continuerons de maintenir les mêmes standards de qualité afin d’offrir une expérience de qualité à nos clientèles.